21
De l’argent
dans les ombres

 

 

Il trouva soudain un point sur lequel se concentrer dans la masse indistincte du nuage gris qui l’enveloppait, quelque chose de tangible au milieu de ce tourbillon de néant. Le quelque chose flottait au-dessus de lui, puis tourna lentement.

Les contours de la chose se dédoublèrent, puis se séparèrent, puis se fondirent les uns dans les autres. Il lutta contre la douleur sourde de son crâne, contre les ténèbres intérieures qui l’avaient cerné et luttaient maintenant pour le garder dans leur emprise. Petit à petit, il reprit conscience de ses bras, de ses jambes, de son identité, et de la manière dont il s’était retrouvé ici.

Tandis qu’il reprenait conscience, l’image redevint nette et claire comme du cristal : la pointe d’une dague sertie de gemmes.

Entreri apparaissait indistinctement au-dessus de lui, une silhouette sombre se détachant devant la lumière d’une torche unique fixée au mur, quelques mètres derrière lui. Sa lame était prête à frapper au premier signe de résistance. Drizzt pouvait voir que l’assassin avait été blessé lui aussi dans la chute, mais il avait manifestement récupéré plus rapidement.

— Tu peux marcher ? demanda Entreri, et Drizzt avait suffisamment de bon sens pour savoir ce qui allait se passer s’il en était incapable. (Il hocha la tête et bougea pour se mettre debout, mais la dague s’approcha.) Pas encore ! dit Entreri avec hargne. Nous devons d’abord savoir où nous sommes et où nous allons.

Drizzt détourna son attention de l’assassin et regarda autour de lui, certain qu’Entreri l’aurait déjà tué si telle avait été son intention. Ils se trouvaient dans les mines, c’était sûr, car les murs étaient faits de pierres grossièrement taillées soutenus par des colonnes en bois tous les cinq mètres à peu près.

— Nous sommes tombés à quelle profondeur ? demanda-t-il à l’assassin.

Ses sens lui disaient qu’ils étaient à une profondeur bien plus grande que la pièce dans laquelle ils avaient combattu.

Entreri haussa les épaules.

— Je me souviens d’être tombé sur de la pierre dure après une chute qui n’a pas duré longtemps, puis d’avoir glissé le long d’une rampe très raide et très sinueuse. J’ai eu l’impression que du temps passait avant que nous nous retrouvions ici. (Il désigna l’ouverture dans un coin du plafond par laquelle ils étaient tombés.) Mais la notion du temps qui s’écoule est différente pour un homme qui pense qu’il est sur le point de mourir, et la chute a peut-être été beaucoup plus rapide que ce dont je me souviens.

— Fie-toi à ton intuition, remarqua Drizzt, car la mienne me dit que nous sommes tombés vraiment très profond.

— Comment pouvons-nous sortir ?

Drizzt observa la pente, qui était faible, et désigna la droite.

— La montée est dans cette direction, dit-il.

— Lève-toi alors, répliqua Entreri en lui tendant la main pour l’aider à se mettre debout.

Drizzt accepta l’aide et se leva prudemment et sans faire aucun geste menaçant. Il savait que la dague d’Entreri se planterait dans son cœur bien avant qu’il ait le temps de frapper.

Entreri le savait aussi, mais il ne s’attendait à aucun problème de la part de Drizzt dans leur situation actuelle. Ils n’avaient pas simplement ferraillé dans l’alcôve et ils avaient chacun un respect mêlé de réticence pour l’autre.

— J’ai besoin de tes yeux, expliqua Entreri, bien que Drizzt l’ait déjà compris. Je n’ai trouvé qu’une torche et elle ne brûlera pas assez longtemps pour me sortir d’ici. Tes yeux, elfe noir, peuvent voir dans les ténèbres et nous orienter. Je serai assez proche de toi pour sentir le moindre de tes mouvements, assez proche pour te tuer d’un seul coup !

Il tourna de nouveau la dague pour souligner les mots qu’il venait de prononcer, mais Drizzt n’avait pas besoin de ce geste pour comprendre le message.

Lorsqu’il fut debout, le drow se rendit compte qu’il n’était pas aussi gravement blessé qu’il l’avait craint. Il s’était tordu la cheville et un genou et sut dès qu’il s’appuya sur cette jambe que chaque pas serait douloureux. Il devait le cacher à Entreri toutefois. Il ne serait pas d’une grande aide à l’assassin s’il ne pouvait pas marcher.

Entreri se tourna pour chercher la torche et Drizzt vérifia rapidement son équipement. Il avait vu l’un de ses cimeterres fixé à la ceinture d’Entreri, mais l’autre, la lame magique, n’était nulle part en vue. Il sentit l’une de ses dagues toujours glissée dans une gaine cachée dans sa botte, mais il n’était pas sûr que cela l’aiderait beaucoup face au sabre et à la dague de son talentueux ennemi. Affronter Entreri avec le moindre handicap était une solution réservée à la situation la plus désespérée – et uniquement la plus désespérée.

Puis Drizzt saisit soudain avec affolement la bourse qu’il portait à la ceinture, au bord de la panique lorsqu’il se rendit compte que les liens étaient défaits. Avant même de glisser la main à l’intérieur, il sut qu’il avait perdu Guenhwyvar. Il regarda autour de lui avec désespoir, et ne vit que des gravats.

Remarquant sa détresse, Entreri eut un petit sourire satisfait sous la capuche de son manteau.

— En route, dit-il au drow.

Drizzt n’avait pas le choix. Il ne pouvait certainement pas parler à Entreri de la statuette magique et prendre le risque que Guenhwyvar retombe entre les mains d’un maître maléfique. Drizzt avait soustrait une fois l’extraordinaire panthère à un tel destin et préférait encore qu’elle demeure ensevelie à jamais sous des tonnes de décombres plutôt que de retomber sous le joug d’un maître indigne. Il jeta un dernier regard empli de chagrin en direction de l’amas de pierres, puis accepta stoïquement la perte de son amie, trouvant un peu de réconfort à l’idée que le félin était en vie, en sécurité, sur son propre plan d’existence.

Les soutènements du tunnel ponctuaient leur marche avec une régularité troublante, comme s’ils repassaient sans arrêt au même endroit. Drizzt avait l’impression que le tunnel décrivait un très grand cercle au fur et à mesure de sa légère montée. Cela le rendait encore plus anxieux. Il connaissait la prouesse des nains en matière de forage de tunnels, surtout lorsque des gemmes ou des métaux précieux étaient concernés, et il commença à se demander combien de kilomètres ils allaient devoir parcourir avant d’atteindre ne serait-ce que le niveau juste au-dessus.

Si Entreri n’avait pas la même perception de tout ce qui était sous terre ou souterrain et ne connaissait pas bien les nains, il était lui aussi mal à l’aise. Les heures passèrent et la file de soutènements de bois continuait dans l’obscurité.

— La torche ne brûle plus beaucoup, dit Entreri en rompant le silence qui pesait depuis qu’ils s’étaient mis en route. (Le bruit de leurs pas, les pas de guerriers sachant être furtifs, était estompé dans ce couloir bas de plafond.) Le vent va peut-être tourner à ton avantage, elfe noir.

Drizzt ne se faisait pas d’illusions. Entreri était une créature de la nuit autant que lui. Il était en outre doté de réflexes rapides et d’une solide expérience qui compensaient largement son manque de vision dans les ténèbres. Ce n’était pas à la lumière du soleil qu’œuvraient les assassins.

Sans répondre, Drizzt reporta son attention sur le chemin devant lui, mais alors qu’il regardait autour de lui, il remarqua du coin de l’œil un reflet fugace de la torche. Il s’approcha du mur, ne prêtant pas attention aux pas d’Entreri qu’il sentait mal à l’aise derrière lui, et se mit à passer sa main sur la surface, et à scruter l’obscurité dans l’espoir de saisir un autre éclat de lumière. Il le vit pendant une seconde à peine alors qu’Entreri bougeait derrière lui, une étincelle d’argent le long du mur.

— Où coule l’argent, murmura-t-il, éberlué.

— Quoi ? demanda Entreri d’un ton impérieux.

— Apporte la torche, fut la seule réponse de Drizzt.

Il passa ses mains sur la paroi, avec impatience. Il cherchait la preuve qui ferait mentir sa logique intraitable, donnerait raison à Bruenor et balaierait les soupçons qui lui disaient que le nain avait enjolivé les récits sur Castelmithral.

Entreri se tint bientôt à ses côtés, curieux. La torche le montrait clairement : un torrent d’argent courait le long du mur, aussi épais que l’avant-bras de Drizzt et d’une pureté resplendissante.

— Du mithral, dit Entreri, bouche bée. Le trésor d’un roi !

— Mais de peu d’utilité en ce qui nous concerne, remarqua Drizzt pour calmer leur fièvre.

Il reprit sa marche, comme si le filon de mithral ne l’impressionnait pas. Il avait le sentiment qu’Entreri ne devrait pas même poser les yeux sur cet endroit, que la seule présence de l’assassin corrompait les trésors du clan Marteaudeguerre. Drizzt ne voulait pas donner à l’assassin une raison de rechercher de nouveau les halls. Entreri haussa les épaules et lui emboîta le pas.

La pente dans le passage se fit davantage sentir au fur et à mesure de leur progression, et les reflets d’argent des veines de mithral réapparurent avec suffisamment de régularité pour que Drizzt commence à se demander si Bruenor n’avait pas minimisé la prospérité de son clan.

Entreri, qui n’était jamais éloigné du drow de plus d’un pas, était trop concentré sur son prisonnier pour se préoccuper particulièrement du précieux métal, mais il saisissait bien le potentiel qui y était attaché. De telles richesses lui importaient peu, mais il savait que l’information s’avérerait précieuse et qu’elle pourrait lui être utile dans le cadre de négociations futures.

La torche s’éteignit peu de temps après, mais ils découvrirent qu’ils pouvaient toujours voir, car une faible source de lumière se trouvait quelque part devant eux, au-delà des tournants du tunnel. L’assassin se rapprocha malgré tout de Drizzt, afin d’être tout près de lui, la pointe de la dague contre son dos, ne se risquant pas à perdre la seule chance qu’il avait de s’en sortir si la lumière s’éteignait.

La lueur se fit plus vive, car sa source était puissante. L’air devint plus chaud autour d’eux et ils entendirent bientôt le bruit d’une machinerie éloignée résonnant dans le tunnel. Entreri resserra les mailles de son filet, saisissant la cape de Drizzt et se rapprochant un peu plus.

— Tu es autant un intrus que je le suis, murmura-t-il. Nous avons tout intérêt à éviter le lieu.

— Les mineurs pourraient-ils être pires que le sort que tu me réserves ? demanda Drizzt avec sarcasme tout en soupirant.

Entreri relâcha la cape et recula.

— Apparemment, il faut que je t’offre quelque chose de plus pour garantir ce dont nous sommes convenus, dit-il.

Drizzt le regarda de près, ne sachant pas quoi attendre.

— Tu as tous les avantages, dit-il.

— Non, répliqua l’assassin. (Drizzt attendit la suite, perplexe, tandis qu’Entreri faisait glisser sa dague dans sa gaine.) Je pourrais te tuer, c’est vrai, mais pour gagner quoi ? Tuer ne m’apporte aucun plaisir.

— Mais le meurtre ne te déplaît point, riposta Drizzt.

— Je fais ce que je dois faire, dit Entreri en riant de la remarque acerbe.

Drizzt ne reconnaissait que trop bien cet homme. Dénué de toute émotion, pragmatique, et indiscutablement versé dans les diverses manières de traiter avec la mort. En regardant Entreri, Drizzt voyait ce qu’il aurait pu devenir s’il était resté à Menzoberranzan parmi son peuple régi par la même absence de morale. Entreri incarnait les doctrines de la société des drows, l’absence cruelle de cœur qui avait incité Drizzt, révolté, à quitter les entrailles du monde. Il regardait l’assassin bien en face, abhorrant tout ce qu’il représentait, mais incapable, toutefois, de se débarrasser de l’empathie qu’il ressentait.

Il devait prendre position maintenant, au nom de ses principes, comme il l’avait fait des années auparavant dans la cité de l’obscurité.

— Tu fais ce que tu dois faire, cracha-t-il, dégoûté, indifférent aux conséquences. Quel qu’en soit le prix.

— Quel qu’en soit le prix, répéta calmement Entreri. (Son sourire satisfait déforma l’insulte pour en faire un compliment.) Sois heureux que je sois si pragmatique, Drizzt Do’Urden, ou tu ne te serais jamais réveillé de ta chute. Mais assez de ces verbiages. J’ai un marché à te proposer qui pourrait nous servir tous les deux. (Drizzt garda le silence et n’eut pas l’air le moins du monde intéressé.) Sais-tu pourquoi je suis ici ? demanda Entreri.

— Tu es venu pour le halfelin.

— Tu te trompes, répliqua Entreri. Pas pour le halfelin, mais pour le pendentif du halfelin. Il l’a volé à mon maître, bien que je doute qu’il s’en soit vanté.

— Je devine plus que ce qu’on me dit, rétorqua Drizzt, amenant adroitement la question suivante. Ton maître veut également se venger, n’est-ce pas ?

— Peut-être, enchaîna Entreri du tac au tac. Mais la restitution du pendentif est d’une importance capitale. Aussi je te propose ceci : nous nous efforçons, ensemble, de retrouver tes amis. Je t’offre mon aide dans cette recherche et ta vie en échange du pendentif. Une fois que nous les avons retrouvés, convaincs le halfelin de me donner le pendentif et je m’en irai et ne reviendrai pas. Mon maître récupère son trésor et ton ami peut vivre le reste de sa vie sans regarder par-dessus son épaule.

— Tu me donnes ta parole ? dit Drizzt avec hésitation.

— Je fais mieux, rétorqua Entreri. (Il tira le cimeterre de sa ceinture et le lança à Drizzt.) Je n’ai nullement l’intention de mourir dans ces mines abandonnées, drow, et toi non plus, je l’espère.

— Comment peux-tu savoir que je tiendrai ma parole lorsque nous retrouverons mes compagnons ? demanda Drizzt, tenant la lame devant lui afin de l’inspecter, et ayant du mal à croire à la tournure que prenaient les événements.

Entreri rit de nouveau.

— Ton sens de l’honneur est trop élevé, elfe noir, pour éveiller le moindre doute dans mon esprit. Tu feras ce que tu dis que tu feras, de cela je suis sûr ! Affaire entendue, alors ?

Drizzt devait reconnaître la sagesse des paroles d’Entreri. Ensemble, ils avaient une bonne chance de sortir des niveaux inférieurs. Drizzt n’allait certainement pas laisser passer l’occasion de retrouver ses amis, pas pour le prix d’un pendentif qui avait causé à Régis plus de problèmes qu’il en valait la peine.

— D’accord, dit-il.

Le passage s’éclaira davantage à chaque tournant, non pas une lueur tremblotante comme en diffusaient les torches, mais une lumière continue. Le bruit de la machinerie augmenta proportionnellement et ils devaient hurler pour pouvoir se faire entendre l’un de l’autre.

Après un dernier virage, ils arrivèrent brutalement au bout de la mine : ses derniers soutènements s’ouvraient sur une immense caverne. Ils avancèrent avec hésitation, traversant les soutènements, pour se retrouver sur une petite corniche qui longeait le côté d’une large gorge : l’extraordinaire cité souterraine du clan Marteaudeguerre.

Ils se trouvaient heureusement au niveau supérieur, c’est-à-dire au sommet du précipice, car les deux parois avaient été taillées afin de former d’énormes marches qui descendaient jusqu’au fond du gouffre, chacune bordée de portes décorées qui avaient marqué jadis les entrées des maisons des membres du clan de Bruenor. Les marches étaient vides désormais, mais Drizzt, grâce aux innombrables histoires que Bruenor lui avait racontées, imaginait bien la splendeur passée du lieu : dix mille nains, poussés par l’extraordinaire passion et l’amour de leur travail, martelant le mithral et chantant les louanges de leurs dieux.

Quel spectacle cela avait dû être ! Des nains industrieux qui allaient de niveau en niveau afin de faire admirer leur dernier ouvrage, un objet en mithral d’une incroyable beauté et d’une valeur inouïe. Et pourtant, d’après ce que Drizzt connaissait des nains du Valbise, la plus petite imperfection ferait retourner en courant les artisans vers leurs enclumes, suppliant les dieux de leur pardonner et leur demandant de leur conférer le don de façonner un objet plus beau encore. Aucune race dans les Royaumes ne pouvait revendiquer autant de fierté dans leur travail que les nains, et les membres du clan Marteaudeguerre étaient exceptionnels, même à l’aune des exigences du peuple barbu.

Désormais, seul le fond du gouffre bruissait d’activité, car, sur des centaines de mètres sous eux et s’étirant de tous les côtés, se dressaient les forges centrales de Castelmithral, des fourneaux suffisamment chauds pour fondre le dur métal extrait de la pierre forée. Même à cette hauteur, Drizzt et Entreri pouvaient sentir la chaleur brûlante et l’intensité de la lumière leur faisait cligner des yeux. Des dizaines et des dizaines d’ouvriers trapus s’affairaient en tous sens, poussant des brouettes remplies de charbon ou de combustible pour les feux. Des duergars, supposait Drizzt, bien qu’il ne puisse pas les distinguer clairement depuis cette hauteur et avec l’éclat aveuglant de la lumière.

À quelques mètres seulement sur la droite de la sortie du tunnel, une large rampe, dessinant légèrement un arc, descendait en spirale vers le niveau inférieur. Sur la gauche, la corniche continuait à longer le mur. Elle était étroite et n’était pas destinée à servir de passage. Un peu plus loin, Drizzt pouvait voir la silhouette noire d’un pont qui enjambait le gouffre.

Entreri lui fit signe d’entrer dans le tunnel.

— Le pont semble être la meilleure voie à suivre, dit l’assassin. Mais j’hésite à m’engager sur la corniche avec tous ces mineurs en bas.

— Nous n’avons guère le choix, remarqua Drizzt. Nous pourrions revenir sur nos pas et chercher certains des corridors qui partaient sur le côté et devant lesquels nous sommes passés, mais je pense qu’ils ne sont rien de plus que des prolongements de la mine et je ne pense pas qu’ils nous ramèneraient même jusque-là.

— Nous devons continuer, reconnut Entreri. Peut-être que le bruit et l’éclat de la lumière nous permettront de ne pas nous faire remarquer.

Sans plus attendre, il s’engagea sur la corniche et s’achemina vers la sombre silhouette du pont, Drizzt sur ses talons.

Si la corniche ne faisait pas plus de soixante centimètres de largeur et était bien plus étroite que cela à de nombreux endroits, les agiles combattants n’eurent pas de mal à la négocier. Ils furent bientôt devant le pont, une étroite passerelle en pierre qui enjambait l’agitation en contrebas.

Ils avancèrent sans problème en se faisant aussi petits que possible. Lorsqu’ils furent arrivés au milieu du pont, soit au point culminant de l’arc qu’il formait, et qu’ils entamèrent la descente, ils remarquèrent une corniche plus large qui longeait l’autre paroi du gouffre. L’entrée d’un tunnel marquait l’extrémité du pont, éclairé par des torches comme ceux qu’ils avaient laissés au niveau supérieur. À gauche de l’entrée, plusieurs formes de petite taille, des duergars, regroupés et en pleine conversation, ne prêtaient aucune attention à ce qui les entourait. Entreri se retourna en souriant sournoisement et désigna le tunnel à Drizzt.

Aussi silencieux que des chats et invisibles dans l’ombre, ils traversèrent le tunnel sans être vus par le groupe de duergars.

Les soutènements en bois défilaient désormais, l’elfe et l’assassin ayant adopté un rythme rapide. Ils laissèrent la cité souterraine loin derrière eux. Les parois dégrossies leur offraient toute la protection qu’il leur fallait, à la lumière de la torche, et le bruit des mineurs derrière eux devint bientôt un murmure indistinct. Retrouvant une certaine sérénité, ils commencèrent à penser au moment où ils retrouveraient les autres.

Ils tournèrent, le tunnel marquant un coude, et firent presque tomber une sentinelle duergar solitaire.

— Qu’est-ce que vous faites ici ? aboya la sentinelle.

Son épée large en mithral étincelait à chaque tremblement de la torche. Son armure, également, une cotte de mailles, un casque et un bouclier brillant, était façonnée du même métal précieux : le trésor d’un roi pour équiper un vulgaire soldat !

Drizzt passa devant son compagnon et fit signe à Entreri de rester en arrière. Il ne voulait pas qu’une piste de corps révèle la voie qu’ils avaient suivie pour s’enfuir. L’assassin comprit que l’elfe noir réussirait peut-être à discuter avec cet autre habitant de l’Outreterre. Ne voulant pas révéler qu’il était humain et mettre en question la crédibilité de l’histoire que Drizzt avait concoctée, il remonta sa capuche afin de couvrir son visage.

La sentinelle sauta en arrière, les yeux écarquillés de surprise lorsqu’elle se rendit compte que Drizzt était un drow. Drizzt lui jeta un regard agacé et garda le silence.

— Euh, quelle est la raison de vot’présence dans les mines ? demanda le duergar en reformulant sa question et prenant un ton poli.

— Marcher, répliqua froidement Drizzt pour lui faire sentir que son ton l’avait mis en colère.

— Et… euh… que… qui êtes-vous ? bégaya le garde.

Entreri observa la terreur manifeste qui avait envahi le nain gris en voyant Drizzt. Le drow inspirait apparemment encore plus de respect empreint de crainte parmi les races vivant dans l’Outreterre que parmi les habitants de la surface. L’assassin enregistra l’information, déterminé à faire preuve d’encore plus de prudence à l’avenir lorsqu’il traiterait avec Drizzt.

— Je suis Drizzt Do’Urden, de la maison de Daermon N’a’shezbaernon, neuvième famille du trône de Menzoberranzan, annonça Drizzt, ne voyant pas l’intérêt de mentir.

— Salutations ! s’exclama la sentinelle avec obséquiosité, bien décidée à rentrer dans les grâces de l’étranger. J’m’appelle Fouillefange, du clan Bukbukken. (Il s’inclina bas, sa barbe grise balayant le sol.) Ce n’est pas souvent qu’on a des visiteurs dans les mines. Vous cherchez quelqu’un ? Ou j’peux vous aider à trouver quelque chose ?

Drizzt réfléchit un moment. Si ses amis avaient survécu à l’effondrement, et il se devait de le croire et de garder l’espoir, ils se dirigeraient vers le Défilé de Garumn.

— J’ai fait ce que j’avais à faire ici, dit-il au duergar. Je suis satisfait.

Fouillefange le regarda avec curiosité.

— Satisfait ?

— Ton peuple a foré trop profondément, expliqua Drizzt. Vous avez endommagé l’un de nos tunnels en creusant. Nous sommes donc venus inspecter les lieux pour nous assurer qu’ils n’étaient pas de nouveau occupés par des ennemis des drows. J’ai vu tes forges, nain gris, tu peux être fier.

La sentinelle se rengorgea et rentra le ventre. Le clan Bukbukken était en effet fier de ses installations, bien qu’il ait en vérité volé les mines et tout le reste au clan Marteaudeguerre.

— Et vous êtes satisfait, que vous dites ? Alors où vas-tu maint’nant, Drizzt Do’Urden ? Voir le maître ?

— Si c’est le cas, qui dois-je chercher ?

— T’as pas entendu parler d’Ombref let ? répondit Fouillefange en ricanant. Le Dragon des Ténèbres, aussi noir que le noir et plus féroce qu’un démon enragé ! J’sais pas comment il va réagir en voyant que des elfes drows sont v’nus dans ses mines, mais on va bien voir !

— Non, je ne crois pas, répliqua Drizzt. J’ai appris tout ce que je voulais et je rentre maintenant chez moi. Je ne dérangerai pas Ombreflet, ni aucun membre de ton clan hospitalier.

— J’pense que tu vas te rendre chez not’maître, dit Fouillefange. (La politesse de Drizzt et la mention du nom de son puissant maître lui donnaient de l’assurance.) Il croisa ses bras noueux sur sa poitrine, l’épée en mithral reposant de manière plus visible sur le bouclier brillant.

Drizzt reprit un air menaçant et enfonça un doigt dans le tissu, sous sa cape, pointant en direction du duergar. Fouillefange remarqua le geste, tout comme Entreri, et l’assassin tomba presque à la renverse d’étonnement devant la réaction du duergar. La complexion déjà grise de Fouillefange prit une teinte pâle, et il se tint parfaitement immobile, n’osant même pas respirer.

— Je rentre chez moi, répéta Drizzt.

— Oui, chez toi, s’écria Fouillefange. J’peux peut-être t’aider à trouver le chemin ? Il est difficile de s’repérer dans les tunnels.

Pourquoi pas, pensa Drizzt, se disant qu’ils auraient plus de chances de s’en sortir s’ils connaissaient au moins le chemin le plus rapide.

— Un gouffre, dit-il à Fouillefange. Avant l’époque du clan Bukbukken, le lieu était connu sous le nom de Défilé de Garumn.

— Le Ravin d’Ombreflet, ça s’appelle maintenant, corrigea Fouillefange. Le couloir de gauche à la prochaine bifurcation, expliqua-t-il, indiquant la direction du doigt. Et toujours tout droit ensuite.

Drizzt n’aimait pas le nouveau nom du défilé et ce qu’il pouvait cacher. Il se demanda quel monstre attendait peut-être ses amis une fois qu’ils arriveraient à destination. Ne voulant plus perdre de temps, il fit un signe de tête à Fouillefange, et continua. Le duergar ne demandait pas mieux que de le laisser partir sans discuter plus longtemps, et il s’écarta autant qu’il put pour le laisser passer.

Entreri jeta un coup d’œil à Fouillefange quand il passa devant lui et il vit qu’il essuyait de la sueur de son front.

— Nous aurions dû le tuer, dit-il à Drizzt, une fois qu’ils furent assez loin. Il va mettre les membres de son clan à nos trousses.

— Pas plus rapidement qu’un cadavre ou une sentinelle manquant à l’appel n’aurait fait sonner l’alarme, répliqua Drizzt. Peut-être que quelques-uns vont venir vérifier ses dires, mais au moins nous savons maintenant comment sortir. Il n’aurait pas osé me mentir, par crainte que mes questions ne soient qu’un test destiné à voir s’il me disait la vérité. Mon peuple a la réputation de tuer face à de tels mensonges.

— Qu’est-ce que tu lui as fait ? demanda Entreri.

Drizzt ne put pas s’empêcher de rire en pensant aux avantages ironiques que lui donnait la sinistre réputation de son peuple. Il pointa de nouveau le doigt sous le tissu de sa cape.

— Imagine une arbalète suffisamment petite pour tenir dans ta poche, expliqua-t-il. Cela ne donnerait-il pas cette impression si elle était dirigée sur une cible ? Les drows sont connus pour avoir de telles arbalètes.

— Mais comment un carreau si petit pourrait-il être meurtrier contre une armure de mithral ? demanda Entreri, ne comprenant toujours pas pourquoi la menace avait été si efficace.

— Ah, mais le poison, dit Drizzt avec un petit sourire en coin, en s’éloignant.

Entreri marqua un temps d’arrêt et sourit en pensant à l’éclatante logique du raisonnement. Comme la race des drows devait être retorse et impitoyable pour qu’une simple menace provoque une telle réaction ! Sa réputation n’était apparemment pas usurpée.

Entreri se rendit compte qu’il commençait à avoir une certaine admiration pour ces elfes noirs.

Ils se lancèrent à leur poursuite plus vite qu’ils s’y étaient attendus, en dépit du rythme rapide qu’ils avaient adopté. Le martèlement des bottes retentit, puis disparut, pour se faire entendre de nouveau au tournant suivant, plus près qu’avant. Des passages sur les côtés, comprirent Drizzt et Entreri en maudissant chaque virage de ces tunnels tortueux. Enfin, lorsque leurs poursuivants furent presque sur eux, Drizzt arrêta l’assassin.

— Ils ne sont pas nombreux, dit-il.

Il était capable de les compter à l’ouïe.

— Le groupe qui était sur la corniche, conjectura Entreri. Marquons le coup. Mais agissons vite, il y en a d’autres derrière eux, c’est sûr !

Drizzt trouva la lueur d’excitation qui se mit à danser dans le regard de l’assassin terriblement familière.

Il n’eut pas le temps de réfléchir aux implications désagréables de cette pensée. Il les chassa de son esprit, retrouvant toute sa concentration pour faire face à la situation actuelle. Puis il tira la dague qui était cachée dans sa botte – ce n’était plus le moment d’avoir des secrets – et, avisant un renfoncement sombre dans la paroi du tunnel, il s’y dissimula. Entreri fit de même, à quelques mètres du drow, et de l’autre côté.

Les secondes s’écoulèrent lentement, ponctuées par le bruit des bottes au loin. Les deux compagnons retinrent leur souffle et attendirent patiemment, sachant que leurs poursuivants n’étaient pas encore parvenus à leur hauteur.

Le son augmenta soudain : les duergars surgirent dans le tunnel principal par une porte dérobée.

— Peuvent pas être bien loin maintenant ! s’écria l’un d’entre eux.

— Le dragon nous f’ra donnera à manger pour cette prise ! hurla triomphalement un autre.

Tous revêtus d’armures étincelantes et brandissant des armes en mithral, ils prirent le dernier tournant et furent en vue des compagnons cachés.

Drizzt regarda l’acier terni de son cimeterre et se dit que ses coups allaient devoir être d’une précision absolue contre une armure de mithral. Un soupir résigné lui échappa lorsqu’il pensa à quel point il aurait aimé avoir son arme magique avec lui.

Entreri anticipa lui aussi le problème et sut qu’ils allaient devoir essayer, d’une manière ou d’une autre, d’équilibrer les choses. Il tira rapidement une bourse remplie de pièces de sa ceinture et la jeta plus loin dans le corridor. Elle fendit l’obscurité et frappa la paroi à l’endroit où le tunnel faisait de nouveau un coude.

Le groupe de duergars se figea.

— Juste devant ! s’écria l’un d’eux.

Ils se courbèrent et chargèrent en direction du virage suivant. Entre le drow et l’assassin qui les attendaient.

Les ombres explosèrent et tombèrent sur les nains gris stupéfaits. Drizzt et Entreri frappèrent au même moment, saisissant le moment le plus opportun lorsque le premier du groupe se trouva à la hauteur de l’assassin alors que le dernier dépassait tout juste Drizzt.

Les duergars, abasourdis, poussèrent des hurlements d’horreur. Dagues, sabre et cimeterre dansaient tout autour d’eux, dans un tourbillon meurtrier, vif comme l’éclair, piquant les rebords de l’armure, essayant de trouver une jointure dans le métal indestructible. Et lorsqu’ils en trouvaient une, ils enfonçaient la lame avec une impitoyable efficacité.

Quand les duergars retrouvèrent un tant soit peu leurs esprits, le premier choc de l’attaque passé, deux d’entre eux gisaient morts aux pieds du drow, un troisième aux pieds d’Entreri, et un autre encore s’éloignait en vacillant et en se tenant le ventre d’une main maculée de sang.

— Dos à dos ! hurla Entreri.

Drizzt, ayant eu la même idée, avait déjà commencé à se frayer rapidement un chemin au milieu des nains qui ne savaient plus où donner de la tête. Entreri en abattit un juste au moment où l’elfe le rejoignait. Le malheureux duergar avait jeté un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir le drow approcher, et l’assassin en avait profité pour insinuer la dague sertie de gemme à la base de son casque.

Puis ils furent l’un à côté de l’autre, dos à dos, tournoyant dans le mouvement de la cape de l’autre, leurs armes frappant tellement vite qu’elles semblaient floues et avec des mouvements tellement similaires que les trois duergars encore en vie hésitèrent avant de lancer leur attaque en essayant de voir où finissait un ennemi et où commençait l’autre.

Avec des cris louant Ombreflet, leur maître quasi divin, ils passèrent à l’offensive.

Drizzt enchaîna immédiatement une série de frappes qui auraient dû abattre son adversaire, mais l’armure était plus dure que l’acier du cimeterre et ses coups furent déviés. Entreri avait lui aussi du mal à trouver une jointure dans laquelle enfoncer sa dague : elle se heurtait aux cottes de mailles et aux boucliers en mithral.

Drizzt avança légèrement et fit un pas de côté, guidant son compagnon. Entreri comprit et suivit l’initiative du drow, le contournant et se glissant juste derrière lui.

Leur ronde prit graduellement de l’élan, ils étaient aussi synchronisés que de gracieux danseurs, et les duergars n’essayèrent même pas de tenir leur rythme. Les adversaires changeaient sans arrêt, le drow et Entreri passant l’un derrière l’autre pour parer l’épée ou la hache que l’autre avait bloquée lors du dernier coup. Ils laissèrent le rythme s’installer pendant quelques tours, permirent aux duergars de suivre les schémas de leur danse, puis Drizzt, prenant toujours l’initiative, embrouilla leurs pas et inversa le mouvement.

Les trois duergars, entourant les deux bretteurs, à distance égale les uns des autres, ne savaient plus de quel côté viendrait la prochaine attaque.

Entreri, qui maintenant lisait quasiment dans les pensées du drow, vit les possibilités que la manœuvre offrait. S’éloignant d’un nain particulièrement désorienté, il feignit une attaque inversée, immobilisant le duergar suffisamment longtemps pour que Drizzt, arrivant de l’autre côté, trouve une ouverture.

— Tue-le ! s’écria l’assassin pour affirmer sa victoire.

Le cimeterre fit son travail.

Ils étaient maintenant deux contre deux. Ils cessèrent leur danse et firent face à leurs adversaires.

Drizzt fondit sur son adversaire qui était plus petit en bondissant soudain sur lui et en se glissant le long de la paroi du tunnel. Le duergar, concentré sur les lames meurtrières du drow, n’avait pas remarqué que la troisième arme de Drizzt avait rejoint le combat.

La surprise du nain gris ne fut surpassée que par son attente de l’imminent coup fatal, lorsque la cape qui accompagnait le mouvement de Drizzt flotta et tomba sur lui, l’enveloppant dans une obscurité que le néant de la mort allait perpétuer.

L’assassin n’adopta pas la gracieuse technique de Drizzt. Il se mit soudain à attaquer avec fureur, occupant son nain avec des coupes et des parades rapides comme l’éclair, visant toujours la main qui tenait l’arme. Le nain gris comprit la tactique, les entailles causées par de multiples petits coups commençant à engourdir ses doigts.

Le duergar surcompensa en tournant son bouclier de façon à protéger sa main blessée et vulnérable…

… Faisant exactement ce qu’Entreri avait escompté. L’assassin se déplaça à l’encontre du mouvement de son adversaire, trouvant le dos du bouclier et un espace dans l’armure en mithral juste sous l’épaule. Sa dague plongea rageusement, effectua une fente, et précipita le duergar à terre. Le nain gris ne bougea plus, recroquevillé sur un coude, poussant son dernier soupir.

Drizzt s’approcha du dernier nain encore en vie, celui qui avait été blessé lors de l’attaque initiale, appuyé contre la paroi du tunnel à quelques pas seulement, la lumière de la torche reflétant lugubrement le rouge de la flaque de sang qui était à ses pieds. Le nain n’avait pas encore capitulé. Il leva son épée large pour continuer le combat avec le drow.

C’était Fouillefange, constata Drizzt, et un soudain élan de pitié le saisit, chassant de ses yeux le feu qui y dansait.

Un objet brillant, scintillant des couleurs d’une dizaine de pierres précieuses, passa à côté de Drizzt et mit un terme à sa lutte intérieure : la dague d’Entreri profondément enfoncée dans l’œil de Fouillefange. Le nain ne tomba même pas, tant le coup était net et précis. Il resta appuyé contre la pierre. Mais la flaque de sang était maintenant nourrie par deux blessures.

Drizzt se contint, envahi d’une rage froide, et il ne tressaillit même pas lorsque l’assassin s’approcha tranquillement pour récupérer l’arme.

Entreri tira brutalement la dague, puis se tourna pour faire face à Drizzt tandis que Fouillefange s’écroulait dans la flaque de sang, le faisant gicler.

— Quatre à quatre, gronda l’assassin. Tu ne croyais pas que j’allais te laisser en tuer plus que moi ?

Drizzt ne répondit pas, ne cilla pas.

Ils sentaient tous deux la sueur de leurs paumes tandis qu’ils serraient leurs armes, éprouvant l’envie de finir ce qu’ils avaient commencé dans l’alcôve.

Si semblables, et pourtant si extraordinairement différents.

La rage que lui avait inspirée la mort de Fouillefange n’avait pas de prise sur Drizzt à ce moment précis, son opinion était déjà faite au sujet son abject compagnon. Le désir profond qu’il avait de tuer Entreri n’était pas dû à la colère que pouvaient éveiller en lui les actes ignobles de l’assassin. Tuer Entreri, ce serait tuer la noirceur qu’il portait en lui, pensait Drizzt, car il aurait pu être cet homme. Ceci était le test de son honneur et de sa dignité, l’affrontement de ce qu’il aurait pu devenir. S’il était resté avec son peuple, et il s’était souvent dit que sa décision d’abandonner leurs manières de vivre et la cité sombre était une faible tentative d’aller contre l’ordre même de la nature, sa propre dague aurait plongé dans l’œil de Fouillefange.

Entreri considérait Drizzt avec le même dédain. Quel potentiel il voyait dans le drow ! Mais tempéré par une faiblesse intolérable. Peut-être que l’assassin, dans son cœur, était en fait envieux de l’aptitude à l’amour et à la compassion qu’il reconnaissait chez Drizzt. Si semblable à lui de bien des façons, Drizzt accentuait cruellement la réalité de son propre néant émotionnel.

Mais même si ses sentiments existaient vraiment en lui, ils n’auraient jamais pu se manifester pour influencer Artémis Entreri. Il avait passé sa vie à forger le tueur qu’il était devenu, et aucune lueur ne pourrait jamais percer sa carapace de noirceur. Il voulait prouver, à lui-même et au drow, que la faiblesse n’a pas de place chez un vrai combattant.

Ils s’étaient rapprochés, bien qu’aucun d’eux ne sache lequel s’était déplacé, comme si des forces invisibles les faisaient agir. Les armes frémissaient d’impatience, chacun attendant que l’autre dévoile son jeu.

Chacun voulant que l’autre soit le premier à céder à leur désir commun : l’ultime défi aux principes qui régissaient leur existence.

Le son de pas chaussés de bottes rompit le charme.

Les Torrents D'Argent
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